Mercredi 25 novembre 2015
Je vais bousculer un peu la chronologie de mes récits pour raconter celui-ci, pendant que la magie m'enveloppe encore...
Cela fait plusieurs années que je croise en différentes occasions un attacheur connu dans les cercles BDSM, d'abord sous le nom de Philippe de Beaumond, puis depuis quelque temps sous celui de Philip Ann.. Le regarder attacher est, depuis la première fois, un plaisir en soi,.Mais trop timide, et encore inexpérimentée il y a quelques années, pas totalement libre de mes mouvements non plus, je n'avais jamais osé l'aborder (si, si, je suis timide, même si personne ne me croit jamais !) Et voilà qu'à la deuxième Nuit des Ô, où je me rends avec des amis, il est là, en invité.
La première Nuit des Ô était plutôt réussie, mais celle-ci s'annonce beaucoup moins bien...Non pas en termes de participants, car j'y suis avec des amis que j'aime beaucoup, et avec lesquels je sais que je peux jouer sans crainte. Mais c'est une autre histoire, que je vous raconterai un autre jour...
Le moment le plus réussi de la soirée sera celui où Philip attache Mary Rapunzel, jeune modèle que nous connaissons pour la croiser régulièrement aux apéros de notre ami M. Chapeau et en d'autres lieux...Cela aussi, je le raconterai une autre fois....
Lorsque nous partons, Philippe est à la porte, fumant une cigarette. Je le remercie des instants magnifiques qu'il nous a offerts. Il me propose alors gentiment d'essayer les cordes, si j'en ai envie, un jour.
Quelques jours plus tard, je le retrouve sur Facebook et sur Fetlife, découvrant sur ce dernier site qu'il est peut-être à la recherche d'un modèle. J'hésite car je crains qu'il n'y ait une liste d'attente, composée des jeunes et belles modèles qu'il attache souvent.... Je remplis assez bien les conditions pour le reste : moins de 60 kg (mais moins d'1, 60 m aussi !), pas de "petit ami qui ne comprend jamais rien aux cordes", super-sympathique (euh... j'espère l'être au moins un peu) et j'aime les cordes, ô combien ! Je me lance, me répétant mon mantra personnel : qui ne risque rien n'a rien ! La réponse arrive et à ma grande joie, elle est positive ! Nous échangeons tout de suite quelques mots par téléphone, et rendez-vous est pris.
Et c'est ainsi que je me retrouve ce mercredi soir dans Paris, devant une porte close. J'ai un peu peur en toquant à la porte et encore un peu plus quand Philippe m'ouvre...en caleçon ! Mais maintenant que je suis là, je suis décidée à ne m'étonner de (presque) rien. Il vient de rentrer du travail et sort à peine de la douche. Il passe son kimono et nous parlons un peu autour d'une tasse de thé puis il me propose de me mettre en yukata. J'ai apporté le mien, que j'avais failli revendre en raison des souvenirs trop récents et trop douloureux qu'il me rappelle...
Chez lui, la décoration est japonaise et l'endroit est agencé très astucieusement. Le point de suspension est placé au-dessus d'un tatami, sur lequel nous montons. Il me saisit doucement aux épaules et me fait tourner, dos à lui. Nous restons un petit moment ainsi, et en fait, dès ce moment, je me sens bien, à ma juste place dans un monde qui a retrouvé son harmonie et son soyeux. La musique de fond japonaise contribue à la sérénité du moment. J'aime la sensation de ses mains sur moi, fermes, douces, rassurantes...Il exerce une légère pression pour me mettre à genoux et je me laisse couler à ses pieds. Je ferme les yeux, il commence à m'attacher et je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir qu'il est exactement comme je l'ai retrouvé à la Nuit des Ô, concentré, précis, et en même temps, j'en ai le sentiment, parti lui aussi dans un voyage intérieur, semblable et pourtant différent du mien... Je reconnais le TK qu'il dessine et j'aime sentir l'enroulement si sensuel des cordes autour de moi....Vendredi dernier, sur l'île enchantée, je réfléchissais en moi-même tandis qu'on m'attachait,(encore une autre histoire que je vous conterai un autre jour :) ) et je me disais que les cordes me libèrent essentiellement parce que c'est un des rares moments où je ne fais rien, absolument rien,et où je peux donc m'abandonner totalement et m'en remettre à quelqu'un d'autre....Et c'est bien ce qui se produit là. Je suis ailleurs, attentive pourtant mais en même temps détendue, littéralement bercée par les cordes....Philip m'a dit qu'il ne pensait pas me suspendre cette première fois, mais je sens vite qu'il va le faire, et d'ailleurs il me taquine parce que je fais le sac de son au lieu de me relever pour l'aider....Me voilà debout, juste retenue par les cordes attachées au-dessus de moi. Je suis bien, dans un ailleurs où je ne pense pas vraiment, littéralement "portée" physiquement et mentalement par les cordes de jute qui m'immobilisent. Les yeux toujours fermés, je sens que Philippe écarte délicatement le yukata pour m'attacher la cuisse. Je suis maintenant sur un pied, toujours bien, la dos calé sur la corde principale, comme dans un hamac vertical, et la jambe droite en l'air. Une autre corde vient se nouer à ma cheville gauche, et cette fois, je m'envole pour de bon.
Je ne sais pas si ce que j'éprouve dans ces instants peut vraiment se traduire en mots... Au propre comme au figuré, je ne touche plus le sol, je suis très loin et très haut..... Je sens que l'on dénoue la corde qui retient ma cheville, et me voilà à nouveau sur une jambe... Je m'attends à ce que mon autre jambe soit libérée, mais j'entends Philip s'éloigner de quelques pas, puis revenir... Il me faut quelques secondes pour me rendre compte que de la cire goutte sur ma cuisse.... J'aime cette sensation, pas nouvelle, mais toujours si différente selon les moments et les endroits. Puis cette fois, il me détache lentement, je sens de nouveau la légère pression qui m'agenouille...J'aime ce moment où l'entente entre l'attacheur et l'attachée prend tout son sens. Je me laisse aller dans les bras qui m'entourent, je sens son souffle contre ma joue, je respire son odeur et je sais que pour tous les deux, le moment est intense...Les cordes passent sur mes yeux, mon nez, mes lèvres... Je m'imprègne de leur contact, de leur odeur et je me souviens des mots de Kanna-san, au printemps dernier, disant, mimant même, carrément égrillard et si drôle, que les Européens voulaient voir de l'esthétique dans les cordes, tandis que pour les Japonais, c'était avant tout sexuel... "Sexuel" n'est pas le mot que j'emploierais, mais c'est vrai, les cordes sont une expérience unique, d'une sensualité extrême, presque orgasmique.... En tout cas, pour moi....
Et c'est fini, Philip m'allonge doucement sur le tatami, me propose un coussin... Il est à genoux à côté de moi et me prend la main, comme pour me dire que je n'ai pas rêvé ce que j'ai ressenti, que nous avons partagé ce moment magique.Il me faut toujours du temps pour redescendre sur terre....J'aime aussi l'instant où il me dit que "la prochaine fois, on fera plus difficile", qui veut dire qu'il y aura une prochaine fois....et je sais déjà que je n'aurai pas peur de faire "plus difficile"...
Pendant la séance, une amie de passage est arrivée, jeune et charmante attacheuse ukrainienne, Aziza Saint... Sa présence discrète a été à peine perceptible, tandis qu'elle prenait des photos à la demande du maître des lieux. Nous avons bavardé après, toutes les deux, en anglais et ce fut comme la cerise sur le gâteau de cette belle séance.
Merci à toi, Philip Ann, et merci aussi à ta charmante assistante d'un soir
d'avoir si bien donné l'envol à la Colombe, qui n'a toujours pas touché terre le lendemain...
Crédit photos : Aziza Saint
Cordes : Philip Ann